L'archevêque Innocent de Chersonèse, représentant du patriarcat de Moscou en France, a accepté de répondre à plusieurs questions de la rédaction du Messager de l'Église orthodoxe russe en France et du site officiel du diocèse de Chersonèse. Ci-dessous le texte de l'interview est publié intégralement. Il paraîtra également dans le quatorzième numéro du Messager.
Monseigneur, vous avez participé au dernier concile de l’Église russe. Quelles réflexions vous inspire cet événement ?
Cet événement m’a rempli d’émotion. Je n’aurais jamais pu imaginer, il y a vingt ans, qu’une telle assemblée, composée de 700 délégués venus des quatre coins du monde, puisse un jour se tenir en Russie pour élire son patriarche. Quelle émotion de penser que la cathédrale du Christ Sauveur, où nous étions réunis, n’était encore, il y a vingt ans, qu’un champ de ruine ! Je rends grâce à Dieu qui m’a permis de prendre part à ce concile historique auquel participaient, pour la première fois, les évêques et les représentants de l’Église russe hors frontières. L’atmosphère même du concile, le déroulement des débats, les émotions et les attentes, enfin la joie de l’élection du nouveau patriarche, tout cela restera pour moi inoubliable.
Vous étiez membre de la commission du dépouillement des scrutins. Comment s’est déroulée l’élection du patriarche?
Ce fut un moment de liberté et d’unité des membres du concile. De liberté, car toutes les forces vives de l’Église ont pu paisiblement délibérer de la procédure d’élection du patriarche. Les représentants élus par les diocèses, qu’ils soient clercs, moines ou laïcs, hommes ou femmes, ont pu, à côté des évêques diocésains et des délégués des grands monastères, prendre part aux discussions et exprimer librement leur avis. La seule influence que nous pûmes ressentir fut celle de l’Esprit Saint.
Le vote et le dépouillement des scrutins se sont déroulés d’une façon démocratique, dans le respect de la procédure définie. Je faisais partie, comme vous le soulignez, de la commission de dépouillement des scrutins. C’était une procédure longue et complexe. Il n’y avait aucune possibilité d’ingérence extérieure. Même les téléphones portables nous avaient été retirés ! La commission a travaillé dans un local isolé, fermé à clé. Elle rassemblait des représentants de tous les ordres ecclésiastiques et de différents pays. Le procès-verbal avec les résultats fut signé par chaque membre de la commission. Je crois que seuls ceux qui veulent du mal à notre Église peuvent spéculer sur le déroulement du vote. Le résultat des élections a montré l’immense confiance que notre Église accorde au patriarche Cyrille.
Quels seront les défis du futur patriarche ?
Ils sont nombreux, et il faut attendre la prochaine réunion du Saint-Synode pour connaître les premières orientations. Mais le patriarche Cyrille, dans ses nombreuses prises de paroles, en a déjà mentionné plusieurs. Notre Eglise a connu un renouveau spectaculaire au cours des vingt dernières années. Les conditions matérielles de sa mission se sont nettement améliorées : les anciennes églises et monastères ont été restaurés, de nouveaux ont été construits. Mais il faut maintenant élever le ministère de l’Église à un degré spirituel supérieur, renforcer la mission dans la société, en accordant une importance particulière aux jeunes et aux orthodoxes qui, bien que baptisés, sont encore loin de l’Église. Il est nécessaire de développer la diaconie sociale de l’Église, plus que jamais nécessaire en ce temps de crise économique, et de résoudre de nombreux problèmes de la vie ecclésiale.
L’élection du patriarche Cyrille aura-t-elle des répercussions sur la vie du diocèse de Chersonèse qui a la charge pastorale des communautés orthodoxes russes en France ?
A l’époque où il était président du département des relations extérieures, le métropolite Cyrille fit de fréquentes visites à Paris et dans d’autres villes françaises. Il connaît très bien nos communautés et les particularités du diocèse de Chersonèse. De plus, l’Église orthodoxe russe et la France entretiennent depuis longtemps un lien particulier. Nos relations ont une histoire ancienne qui a porté de beaux et nombreux fruits. Nul doute que le patriarche Cyrille sera donc particulièrement attentif à ce qui se passera dans notre diocèse et nous aidera dans nos projets, tels que la création d’un séminaire russe et la construction d’une nouvelle église à Paris.
Quels sont les défis de notre diocèse ?
Ils sont semblables à ceux de l’Église orthodoxe russe en général. Mais notre diocèse a aussi quelques spécificités. Il a vocation à être un pont entre les chrétiens de France et ceux de Russie. Vivant en France, nous devons toujours avoir à l’esprit le rôle particulier qu’a l’Église catholique romaine dans ce pays. Nous sommes heureux d’entretenir de bonnes et fraternelles relations entre le diocèse de Chersonèse et l’Église catholique qui est en France. La visite du patriarche Alexis à Paris en 2007 et celle du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, à Moscou en 2008, ont été des moments historiques qui ont renforcé nos liens.
Je pense que toutes les Églises orthodoxes représentées en France seront d’accord avec moi pour dire qu’il faut déployer des efforts permanents afin que règne entre les chrétiens de France une plus grande confiance et une sincère bienveillance. Chaque Église orthodoxe, étant par définition indépendante et autonome, doit, me semble-t-il, travailler activement dans cette direction, parce que c’est important pour tous les chrétiens de France. Aucune des Églises orthodoxes ne doit prétendre à un monopole ou à une suprématie dans les contacts et le dialogue avec l’Église catholique romaine, les autres Églises chrétiennes et les institutions publiques françaises. Il est tout à fait inacceptable qu’une Église orthodoxe, recherchant ce monopole, fasse pression, par l’intermédiaire de ses hauts représentants, sur les membres de l’Église catholique et de la société civile qui œuvrent au développement des contacts avec l’Église orthodoxe russe. Nous sommes profondément chagrinés par de tels agissements, car il n’est pas convenable d’instrumentaliser le dialogue entre les Églises au profit d’une seule juridiction orthodoxe. Il convient plutôt d’unir les efforts de tous les chrétiens face aux défis actuels communs et de se soutenir mutuellement.
Avez-vous un message particulier pour ce Carême ?
Le Carême est l’occasion d’approfondir la communion avec le Seigneur pour retrouver la communion entre nous. Plus nous serons proche de Dieu, et plus nous serons proches les uns des autres. C’est vrai au sein de notre Église, entre nos Églises, entre les chrétiens. Par conséquent, convertissons-nous, non pas en changeant seulement nos attitudes, nos comportements, nos pensées, mais en changeant radicalement notre être, pour devenir des être nouveaux, comme le dit l’Apôtre : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu un être nouveau est là » (2 Co 5, 17).
Paris, le 22 mars 2009
Monseigneur, vous avez participé au dernier concile de l’Église russe. Quelles réflexions vous inspire cet événement ?
Cet événement m’a rempli d’émotion. Je n’aurais jamais pu imaginer, il y a vingt ans, qu’une telle assemblée, composée de 700 délégués venus des quatre coins du monde, puisse un jour se tenir en Russie pour élire son patriarche. Quelle émotion de penser que la cathédrale du Christ Sauveur, où nous étions réunis, n’était encore, il y a vingt ans, qu’un champ de ruine ! Je rends grâce à Dieu qui m’a permis de prendre part à ce concile historique auquel participaient, pour la première fois, les évêques et les représentants de l’Église russe hors frontières. L’atmosphère même du concile, le déroulement des débats, les émotions et les attentes, enfin la joie de l’élection du nouveau patriarche, tout cela restera pour moi inoubliable.
Vous étiez membre de la commission du dépouillement des scrutins. Comment s’est déroulée l’élection du patriarche?
Ce fut un moment de liberté et d’unité des membres du concile. De liberté, car toutes les forces vives de l’Église ont pu paisiblement délibérer de la procédure d’élection du patriarche. Les représentants élus par les diocèses, qu’ils soient clercs, moines ou laïcs, hommes ou femmes, ont pu, à côté des évêques diocésains et des délégués des grands monastères, prendre part aux discussions et exprimer librement leur avis. La seule influence que nous pûmes ressentir fut celle de l’Esprit Saint.
Le vote et le dépouillement des scrutins se sont déroulés d’une façon démocratique, dans le respect de la procédure définie. Je faisais partie, comme vous le soulignez, de la commission de dépouillement des scrutins. C’était une procédure longue et complexe. Il n’y avait aucune possibilité d’ingérence extérieure. Même les téléphones portables nous avaient été retirés ! La commission a travaillé dans un local isolé, fermé à clé. Elle rassemblait des représentants de tous les ordres ecclésiastiques et de différents pays. Le procès-verbal avec les résultats fut signé par chaque membre de la commission. Je crois que seuls ceux qui veulent du mal à notre Église peuvent spéculer sur le déroulement du vote. Le résultat des élections a montré l’immense confiance que notre Église accorde au patriarche Cyrille.
Quels seront les défis du futur patriarche ?
Ils sont nombreux, et il faut attendre la prochaine réunion du Saint-Synode pour connaître les premières orientations. Mais le patriarche Cyrille, dans ses nombreuses prises de paroles, en a déjà mentionné plusieurs. Notre Eglise a connu un renouveau spectaculaire au cours des vingt dernières années. Les conditions matérielles de sa mission se sont nettement améliorées : les anciennes églises et monastères ont été restaurés, de nouveaux ont été construits. Mais il faut maintenant élever le ministère de l’Église à un degré spirituel supérieur, renforcer la mission dans la société, en accordant une importance particulière aux jeunes et aux orthodoxes qui, bien que baptisés, sont encore loin de l’Église. Il est nécessaire de développer la diaconie sociale de l’Église, plus que jamais nécessaire en ce temps de crise économique, et de résoudre de nombreux problèmes de la vie ecclésiale.
L’élection du patriarche Cyrille aura-t-elle des répercussions sur la vie du diocèse de Chersonèse qui a la charge pastorale des communautés orthodoxes russes en France ?
A l’époque où il était président du département des relations extérieures, le métropolite Cyrille fit de fréquentes visites à Paris et dans d’autres villes françaises. Il connaît très bien nos communautés et les particularités du diocèse de Chersonèse. De plus, l’Église orthodoxe russe et la France entretiennent depuis longtemps un lien particulier. Nos relations ont une histoire ancienne qui a porté de beaux et nombreux fruits. Nul doute que le patriarche Cyrille sera donc particulièrement attentif à ce qui se passera dans notre diocèse et nous aidera dans nos projets, tels que la création d’un séminaire russe et la construction d’une nouvelle église à Paris.
Quels sont les défis de notre diocèse ?
Ils sont semblables à ceux de l’Église orthodoxe russe en général. Mais notre diocèse a aussi quelques spécificités. Il a vocation à être un pont entre les chrétiens de France et ceux de Russie. Vivant en France, nous devons toujours avoir à l’esprit le rôle particulier qu’a l’Église catholique romaine dans ce pays. Nous sommes heureux d’entretenir de bonnes et fraternelles relations entre le diocèse de Chersonèse et l’Église catholique qui est en France. La visite du patriarche Alexis à Paris en 2007 et celle du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, à Moscou en 2008, ont été des moments historiques qui ont renforcé nos liens.
Je pense que toutes les Églises orthodoxes représentées en France seront d’accord avec moi pour dire qu’il faut déployer des efforts permanents afin que règne entre les chrétiens de France une plus grande confiance et une sincère bienveillance. Chaque Église orthodoxe, étant par définition indépendante et autonome, doit, me semble-t-il, travailler activement dans cette direction, parce que c’est important pour tous les chrétiens de France. Aucune des Églises orthodoxes ne doit prétendre à un monopole ou à une suprématie dans les contacts et le dialogue avec l’Église catholique romaine, les autres Églises chrétiennes et les institutions publiques françaises. Il est tout à fait inacceptable qu’une Église orthodoxe, recherchant ce monopole, fasse pression, par l’intermédiaire de ses hauts représentants, sur les membres de l’Église catholique et de la société civile qui œuvrent au développement des contacts avec l’Église orthodoxe russe. Nous sommes profondément chagrinés par de tels agissements, car il n’est pas convenable d’instrumentaliser le dialogue entre les Églises au profit d’une seule juridiction orthodoxe. Il convient plutôt d’unir les efforts de tous les chrétiens face aux défis actuels communs et de se soutenir mutuellement.
Avez-vous un message particulier pour ce Carême ?
Le Carême est l’occasion d’approfondir la communion avec le Seigneur pour retrouver la communion entre nous. Plus nous serons proche de Dieu, et plus nous serons proches les uns des autres. C’est vrai au sein de notre Église, entre nos Églises, entre les chrétiens. Par conséquent, convertissons-nous, non pas en changeant seulement nos attitudes, nos comportements, nos pensées, mais en changeant radicalement notre être, pour devenir des être nouveaux, comme le dit l’Apôtre : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu un être nouveau est là » (2 Co 5, 17).
Paris, le 22 mars 2009